Crénom ! Je viens de réaliser que cette fichue année 2020, outre qu’elle nous incite doublement aux excès de boissons, comporte un jour surnuméraire que l’on a placé le 29 février, comme par hasard, pile le jour de la parution du magazine “La bougie du sapeur”. Nos dirigeants, dans leur grande bonté pour nous gratifier de ce jour de plus, n’ont sans doute pas réalisé qu’il pouvait s’agir d’un jour de trop. En effet, cela rompt totalement avec nos habitudes, prises depuis trois ans, de voir ce pauvre mois de février se terminer brutalement le 28. Il va falloir déployer des trésors d’imagination pour essayer d’occuper cette journée incongrue.
Tout d’abord permettez moi d’adresser un salut plaintif à tous les malheureux natifs d’un 29 février. En effet, ces pauvres gens n’ont droit à leur anniversaire qu’une année sur quatre, ce qui constitue une injustice insupportable. Si encore ils vieillissaient quatre fois moins vite que les autres, cela constituerait une jolie consolation. Las, tel n’est point le cas. On n’a encore jamais vu de mamy ou de papy de 400 ans ou plus dans nos maisons de retraite. Bref, c’est la double peine et cela frise le scandale.
Mais revenons à ce 29 février 2020. Que faire de ce jour de plus, de ce jour de trop ? Cela hante mes jours et mes nuits au point que je risque de passer cette journée maudite à dormir, tout simplement, pour récupérer de mes dernières insomnies. A vrai dire, sans être superstitieux, il vaudrait mieux sans doute ne pas sortir ce jour-là. Une météorite est si vite arrivée. Ce sera peut-être la fin du monde, qui sait ?
Le plus étrange est que ça semble ne perturber personne d’autre que moi. Personne n’en parle. Je me sens bien seul avec mon âme vaillante de lanceur d’alerte … à prêcher dans le désert. Enfin, si vous survivez à ce jour funeste, vous ne pourrez pas dire que je ne vous aurai pas prévenus. Théophile Ronchoit restera sans doute, dans les annales, celui qui avait vu juste avant tout le monde.
Mais revenons à la question initiale : que vais-je faire de ces interminables vingt-quatre heures de bonus … ou de malus, voire de malheur ? Une idée m’effleure soudain. Si ce jour doit être le dernier, alors autant aller faire de la photo et de la vidéo pour finir en beauté. Allez, je vais aller bosser, en ce 29 février, sur le thème “Rivages”, et faire les plus belles images du monde le long de nos plages, juste avant qu’un inévitable tsunami ne m’engloutisse goulûment. Beau programme, n’est-ce pas ? Bah, elle est pas belle la vie ? Sur ce, à la prochaine, si vous réussissez à passer ce cap fatidique. Et sans rancune aucune.
Théophile Ronchoit