Daniel Gardan ayant eu la chance d’assister à une manifestation qui l’a particulièrement séduit, il souhaite vous faire partager ce moment :
Quelle bonne idée que d’associer, pour une projection de photographies de Walker Evans, deux compagnies au Théâtre de l’Arche de Tréguier : la compagnie « Les Fileurs d’écoute » pour la lecture de textes de James Agee (Cindy Rabouan & Bernard Mazzinghi) et la compagnie « Caméléon » pour une musique originale (Sophie Chénet à la contrebasse, percussions et chant ; Bénédicte Jucquois aux clarinettes et flûte) !
En 1936 « Time-Life » charge le journaliste-écrivain James Agee, accompagné du photographe Walker Evans, d’effectuer un reportage sur les petits Blancs d’Alabama, fermiers misérables ruinés par la crise de 29. Pendant six semaines, Agee et Evans côtoient les trois familles Gudger, Woods et Rickets. A New-York, les textes sont refusés, trop réalistes ! En 1940 un livre, dont sont extraits les textes lus, sort alors sous le titre « Louons maintenant les grands hommes ».
Les lectures de C. Rabouan et B. Mazzinghi dont les performances d’acteurs nous captivent font surgir l’âpreté, la rudesse de ces vies. Les extraits choisis évoquent ces trois familles, leur habitation, leur journée de travail et surtout leurs désillusions.
Les photos des familles, les portraits au contraire redonnent de l’humanité à ces damnés de la terre, si proches et si éloignés de leurs frères de couleur curieusement absents des photos. Grand admirateur de Baudelaire et de Flaubert, Walker Evans utilise la photographie pour « documenter » le monde à l’aide d’images qui s’impriment dans notre mémoire.
La musique quelquefois étrange traduit la sidération des reporters, celle des artistes et la nôtre. La mise en scène et les éclairages sobres sonnent juste. Notre attention se concentre alors sur l’essentiel.
Espérons fortement que cette « Lecture-Concert-Projection » se produira à nouveau dans le Trégor. Alors ne manquez pas l’occasion d’y assister.
Daniel GARDAN
PS : « Louons maintenant les grands hommes » est un verset d’un poème de Rudyard Kipling qui évoque ces hommes de modestie qui jamais ne cessent de travailler et qui sont « plus grands que jamais ils ne le sauront ».