Par Philippe Printant

1. Matériel utile

D’abord il faut savoir que tout matériel convient tant qu’on n’est trop près (c’est à dire en «proxiphotographie») :

  • Reflex, hybride, ou même petit compact ;
  • Grand-angle, standard, zoom « macro », téléobjectif…

Par contre un matériel spécialisé est vraiment nécessaire en macro « pure » :

  • ou bien un objectif macro permettant l’accès au rapport 1:2 ou mieux (voir plus loin, pour cette notion) ;
  • ou bien une bague allonge, sur objectif grand angle ou standard ;
  • ou encore un jeu de bonnettes.

A noter que certains compacts ont un vrai mode macro, surprenant, mais difficile à contrôler : il est en effet difficile de sélectionner où se fera la mise au point, d’obtenir des flous importants (même en choisissant l’ouverture la plus grande), d’avoir une forte réactivité au déclenchement…

2. Gestion de la netteté, en proxi ou en macro

2.1. Facteur de grandissement ? proxi ? macro ?

La notion de facteur de grandissement G est simple à comprendre dans le cas d’un appareil avec un capteur plein format ; c’est alors le rapport taille sur le capteur /taille réelle du sujet. Un rapport 1:1 signifie que l’image d’un objet de 36mm remplit tout le capteur et un rapport 1:2 signifie que l’image n’en remplit que la moitié. Pour les autres types de capteurs, on multiplie ce rapport par «taille du capteur/36mm» afin que le rapport 1:1 ait toujours le même sens, à savoir que l’image d’un objet de 36 mm remplisse tout le grand côté du capteur ; en plus, si on veut éviter toute ambiguïté, on parle de grandissement équivalent.

Bref, selon la valeur de ce rapport, les puristes distinguent alors :

  •  La macro quand G ≥ 1:1
  •  La proxi quand   G < 1:1

2.2. Valeurs de profondeur de champ

La profondeur de champ, PdC, ne dépend que du facteur de grandissement et de l’ouverture, F/D. Le tableau suivant en donne les valeurs en mm pour un capteur plein format (ou 24×36) :

On voit qu’au rapport 1:1 cette PdC est de l’ordre du mm. Pour les capteurs plus petits, elle est multipliée (en gros) par le rapport 36mm/taille du capteur.

2.3. Mise au point

En macrophotographie, l’autofocus est rarement pertinent : il « patine » souvent, la réactivité est alors faible, devenant gênant avec des sujets mobiles (petits insectes par exemple).

Le plus efficace est alors d’effectuer une mise au point manuelle, avec un objectif préalablement calé ou sur le facteur G ou sur une distance (ce qui revient au même), puis en avançant/reculant l’objectif par rapport au sujet. Attention, les déplacements en question doivent être très faibles (on parle de millimètres) et se faire lentement.

Un outil bien utile : le bouton testeur de profondeur de champ disponible sur la plupart des boitiers experts permet de contrôler la netteté du sujet, ainsi que la « qualité » du flou dans le viseur.

2.4. « Bokeh »

Ce terme japonais couvre le flou d’avant et d’arrière-plan. Il est renforcé par :

  • une très grande ouverture F/D ;
  • une très longue focale, facilitant l’obtention de fond plus uniforme induit par le faible angle de champ de cette gamme de focales.

Pour générer un flou d’avant plan, il faut insérer entre l’objectif et le sujet photographié (mais bien plus près de soi que du sujet) des feuillages, le sol…

Cas particulier des reflets sur l’eau ou des gouttes de rosée : sous l’effet du soleil, l’eau peut générer des effets sous forme de ronds de lumière. Mais cette forme bien ronde n’apparait qu’avec l’ouverture la plus grande, sinon on obtient des polygones, caractéristiques de la forme du diaphragme avec ses lamelles.

3. Gestion des bougés

3.1. Gestion de son propre bougé

Pour limiter les impacts de ses propres mouvements, ou tremblements, la solution généralement la plus efficace est l’usage d’un trépied. Toutefois, en photographie Nature, un tel usage gêne souvent la mobilité du photographe, et rend alors sa pratique peu souple avec des sujets mobiles (plantes sous l’effet du vent, papillons allant d’une fleur à l’autre…).

Il existe des alternatives plus pertinentes : le GorilladPod, variante miniature du trépied très pratique en macrophotographie au ras du sol, ou le monopode, pour la photographie au téléobjectif en billebaude (= au petit bonheur, durant une randonnée).

Sinon, il reste la photographie sans matériel dédié, en calant bien ses coudes contre soi, sur le sol, contre un tronc d’arbre… La stabilisation intégrée dans nos matériels photographiques aide aussi à compenser quelque peu nos mouvements.

3.2 Gestion du vent

Le vent est généralement considéré comme un ennemi du photographe, contre lequel aucune solution n’existe. Mais c’est faux… dans certaines limites.

Divers types de vent sont à connaître :

  • Les vents thermiques de bord de mer, qui ne se lèvent qu’après 9h30-10h00 en été, quand le sol devient bien chaud,
  • Les vents thermiques liés au passage d’un gros nuage sur fond de ciel bleu : un vent, bien violent, se lève quelques dizaines de secondes avant l’entrée dans l’ombre ou le retour en plein soleil, et durera alors 1 à 2 minutes avant un retour au calme,
  • Les vents mécaniques, provoqués par le passage de véhicules rapides ou volumineux sur une route située quelques dizaines de mètres au maximum.

Les solutions sont :

  • Se protéger (avec des écrans, cartons, parapluies…) ou immobiliser le sujet (avec des tuteurs, des pinces…) mais c’est encombrant, et parfois illusoire,
  • « Jouer » avec, c’est-à-dire suivre les balancements et attendre le bon moment, de relative immobilité.

4. Gestion du soleil

Il est possible de déboucher des ombres dures avec :

  •  Un diffuseur
  •  Un flash, en appliquant la technique dite du « fill’in ».

Avec le flash, il faut décaler l’exposition de son boitier en sous-exposant la globalité de la scène de -0,5 à -2 IL, et de corriger l’exposition au flash en surexposant d’une valeur identique, c’est à dire de +0,5 à +2IL. Cette technique permet d’éviter d’obtenir une image avec un sujet fortement éclairé sur un fond anormalement noir.

Pour un sujet totalement à l’ombre, le flash est bien entendu possible, idéalement avec un câble de déport pour éviter un éclairage trop de face, et donc plat. Autre solution : le réflecteur, blanc ou doré.

Enfin une dernière remarque d’importance pour sa sécurité (risque de brûlures de la rétine) et celle de son matériel : en contre-jour, il faut éviter de mettre dans le champ un soleil encore haut !

5. Photographie animalière

5.1. Animaux craintifs

La plupart des animaux sauvages sont craintifs : il existe alors une « distance de fuite », en dessous de laquelle il risque de s’enfuir si on s’approche davantage. Cette distance est faible ; en voici des ordres de grandeur pour les animaux les plus courants de notre région :

  • Pour les papillons : de 20 cm à 1,5 m ;
  • Pour les oiseaux et les mammifères : de 2 à 30 m.

En général, les animaux sont moins farouches lors des hivers les plus rigoureux, sous l’effet de la faim.

A noter que si l’on s’approche de trop, sous une distance dite « distance de sécurité », l’animal se sentant en danger imminent se mettra à attaquer. C’est le cas avec certains grands mammifères et de nombreux reptiles.

Pour travailler à distance, il faut :

  • Réduire ses prétentions d’images à fort rapport G ;
  • Utiliser une plus longue focale ;
  • Etre discret pour éviter de se faire repérer trop tôt : rester silencieux, avoir des mouvements doux, éventuellement se baisser (voire rester assis) pour réduire sa taille, avoir des vêtements avec des couleurs fades / peu vives.

Une autre solution est de travailler caché, en affût.

Une variante plus moderne est d’utiliser une solution de pilotage à distance de son boitier. Cette technique est facile à mettre en œuvre avec les boitiers les plus modernes, disposant d’une connexion WIFI, et ce depuis une tablette, voire son smartphone.

5.2. Papillons en vol

A défaut de disposer d’une solution sophistiquée (avec barrière lumineuse et de multiples flashes) comme Ghislain Simard, ce sujet est possible avec bien moins de matériel :

  • Un objectif de 100 à… 500 mm (pour les plus grands papillons diurnes, les plus farouches) ;
  • Une ouverture fixe de F/4 à F/8 ;
  • A main levée (pas de trépied, qui limite la mobilité du photographe) ;

Il faut ensuite observer les comportements :

  • Certaines espèces sont prévisibles dans leur déplacement : citrons, belles-dames qui butinent les hampes florales de bas en haut, avant de « sauter » sur la hampe voisine ;
  • D’autres papillons, comme les machaons, moro-sphinx ou sphinx gazés, sont routiniers. À conditions météorologiques identiques, il est possible de retrouver le même papillon butinant sur le même bosquet d’un jour à l’autre à quasiment à la même heure.

Ensuite, il faut beaucoup, beaucoup de persévérance, et surtout beaucoup de chance.

6. Mes réglages techniques

  • Mode RAW : pour une exploitation optimale de ses clichés, dans toute leur potentialité
  • Mode rafale : ce mode est très utile pour divers insectes très mobiles, pour saisir le bon moment avec certains comportements de prédation ou d’accouplement ; bien entendu, il faut garder le doigt léger pour ne prendre le plus souvent qu’une pose à la fois.
  • Mesure évaluative (terminologie Canon), sur l’ensemble de la scène : c’est le mode le plus pratique avec des insectes très mobiles dans le champ, pour lesquels la mesure spot est impraticable faute de temps de réaction suffisant.
  • Priorité à l’ouverture (ou « Av »)
    • Ouverture F/2.8 pour des photos créatives, à fort bokeh
    • Ouverture F/8 à F/11, pour des photos descriptives, montrant le maximum de détails
  • ISO, de 100 à 800 ISO, pour obtenir des vitesses rapides
  • Corrections de -2/3 IL à -3/2 IL, en plein soleil. Cette sous-exposition, facilement corrigée en post-traitement, permet de supprimer les points chauds ou les plages surexposées sur les carapaces de certains scarabées, sur les pétales uniformes des boutons d’or ou les grandes ailes blanches des piérides. De plus, cela permet de gagner un peu de vitesse, ce qui n’est jamais négligeable.

Evidemment, quand on revient à l’ombre, il ne faut évidemment pas oublier d’annuler la correction.

Ce sont les réglages que j’utilise le plus souvent, mais il revient à chacun de trouver les siens en fonction de ses habitudes et de ses sujets !

7. L’éthique

Quand on travaille sur du vivant ou dans un site sensible, un minimum de respect est nécessaire.

Respect du site :

  • En utilisant, le plus possible, les chemins déjà tracés ;
  • En ne coupant, en n’arrachant aucune herbe, aucune branche, pour « arranger » la scène afin d’ « avoir mieux » ; ce serait quand même dommage d’écraser ou de couper des espèces rares (même moches !) à côté de son sujet (forcément plus beau !) ;
  • En respectant les règles spécifiques affichées sur certains sites ZNIEFF, réserves ASPAS…

Respect du sujet :

  • Pas de déplacement : cela renforce le risque de prédation ;
  • Pas de photo près des nids.

8. Les tiques… et autres préoccupations sanitaires

Dans notre région, les risques sont minimes.

Le plus grand risque dans notre secteur est lié à la présence de tiques porteuses de la maladie de Lyme, apparemment bien installée dans le secteur. Pour s’en protéger, le mieux est d’avoir des vêtements couvrant totalement jambes et bras. Et dans tous les cas, un contrôle visuel systématique s’impose au retour. Et en cas de découverte d’une tique sur soi, il existe des tire-tiques, sortes de pied de biche miniature, que l’on peut acheter facilement en pharmacie et mettre dans son sac à photo.

Contre les plantes piquantes (chardons, rosiers…), des gants épais, de type jardinage, peuvent être pratiques.

Il existe d’autres risques liés aux piqures de frelons asiatiques, de vipères… Mais il ne faut pas tomber dans la paranoïa.

9. Bibliographie

Divers ouvrages existent pour les passionnés.

9.1. Pour la technique…

  • « Les secrets de la photo en gros plan », éditions Eyrolles, de Ghislain Simard : de la théorie mais aussi de la pratique, pour aller plus loin.
  • « Speed Flyers, le vol des insectes révélés », Biotope éditions, de Ghislain Simard : un livre sur ce sujet spécifique, qui a fait mondialement connaitre ce photographe. Pour les passionnés.
  • « Photographier en macro », collection « les ateliers du photographe », éditions Pearson, de Benjamin David-Tesnière : de nombreux travaux pratiques explicités en image, certains possibles à la maison
  • «La macrophotographie au-delà du rapport 1:1», Biotope éditions, de Frédéric Labaune et Daniel Nardin :pour les accrocs aux forts grandissements et qui veulent aller plus loin, c’est le seul ouvrage sur ce sujet pointu. A réserver donc aux plus passionnés…

9.2. Des livres orientés sujets…

  • « La photo animalière», collection « Zoom sur », aux éditions Pearson, de Cédric Girard : des observations comportementales et des détails techniques pour photographier certains mammifères ou oiseaux
  • « Microcosmes, photographier les petits animaux», collection « Zoom sur », aux éditions Pearson, de Denis Dubesset : en fonction des espèces, l’auteur précise les comportements observables, et documente diverses techniques spécifiques applicables
  • « Photographier la nature en macro », éditions Eyrolles, de Gérard Blondeau : mois par mois, des idées de sujet et les techniques associés !

9.3. Pour leurs belles images…

  • « Wildlife Photographer of the Year 2016 », Biotope éditions : ouvrage annuel regroupant les images de cette compétition prestigieuse
  • Safari urbain”, Altus Editions, de Laurent Geslin : que voit-on la nuit quand les hommes dorment ?
  • Beautés fatales, le monde fascinant et cruel des orchidées sauvages”, éditions Ulmer, de Christian Ziegler
  • « Safari », éditions Stellar, de Tony Crocetta : des images de safari, souvent originales (avec des flous de toute beauté), parfois cruelles (mais c’est aussi cela la nature)

9.4. Des revues spécialisées…

  • « Nat’Images » la revue spécialisée, par l’équipe de Chasseur d’Image. Quelques essais, des reportages autour de certains auteurs ou sujets.
  • « Images et Nature » : une revue concurrente de la précédente, avec des originalités : description de certains sites remarquables, des techniques bien expliquées, des matériels à faire soi-même… Quelques hors-séries, thématiques, tous les ans.
  • « Macrophotographie» : la plus belle revue, dédiée uniquement à la macrophotographie. Que des portfolios d’amateurs pointus ou de professionnels, tous bâtis sur le même modèle : un double-page présentant l’auteur, son histoire, sa philosophie, un deuxième double-page plus technique avec le détail du sac à dos photo, des informations sur les pratiques et ensuite 10 images, pleine page. Toujours superbe.

Ces revues se trouvent assez facilement dans une bonne maison de la presse.

10. En conclusion

La photographie Nature est techniquement abordable par tout photographe.

En effet, même si du matériel spécialisé est recommandé pour aborder certains sujets, le matériel usuel permet déjà de faire de très belles images.

Après, tout est affaire d’observation, de persévérance, de chance et, surtout, de créativité !